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Wednesday 28 September 2022

Découvrez le nouvel article de Messika Revel, Enseignante-chercheure en écotoxicologie, pour The Conversation.

Les adultes ingéreraient environ 50 000 particules de plastique par an, et les bébés plus d’un million par an. Les particules de plastiques peuvent être ingérées par l’eau de boisson ou du robinet, des aliments contaminés (en contact direct avec des emballages en plastique), par l’air ambiant contenant des microfibres (provenant du textile par exemple) ou encore par voie cutanée au contact de produits d’hygiène.

Les effets toxiques de ces particules chez l’humain sont encore inconnus mais il existe trois principaux risques pour la santé : la diffusion de composants chimiques toxiques tels que les additifs (bisphénols, phtalates, métaux) ; le relargage de substances nocives adsorbées par des particules, qui agissent alors comme vecteurs de polluants environnementaux ; des dommages physiques directement causés par des débris de plastique (fragment, fibres, mousse, microbille) provoquant des lésions ou une obstruction dans divers organes. Plusieurs études ont mis en évidence des effets au niveau cellulaire, en particulier l’augmentation de l’inflammation, du stress oxydant, de la mortalité cellulaire et de la perturbation du métabolisme énergétique.

Le milieu aquatique est le réceptacle final des déchets et contaminants liés à ces « microplastiques » (de taille inférieure à 5 millimètres) et est donc particulièrement étudié. Début septembre 2021, on estimait à 24 400 milliards le nombre de fragments de plastiques flottant à la surface des océans, avec un poids estimé entre 82 000 et 578 000 tonnes.

Depuis plusieurs années, de plus en plus de laboratoires étudient les effets toxiques des particules de plastique dans les organismes marins et d’eau douce – bactéries, poissons, plantes aquatiques notamment – mais la grande variété des caractéristiques de ces particules telles que leurs tailles, formes, types de polymère (polyéthylène, polypropylène, polystyrène, etc.) et d’additifs ajoutés, rendent les effets difficiles à démêler. Si l’on peut évaluer la toxicité de ces particules individuellement chez chacune de ces espèces, cela prendra énormément de temps pour tester les tous les types de particules existantes et les additifs associés.

Parmi les méthodes complémentaires, voire alternatives, la culture cellulaire, aussi appelée test in vitro, pourrait être un outil prometteur pour évaluer la toxicité des différentes particules de plastique. Cette approche présente des défis techniques et aussi des limitations, notamment pour extrapoler les résultats à des organismes entiers… comme les humains.

 

L’intérêt de la culture cellulaire pour évaluer la toxicité des micro et nanoplastiques

Les scientifiques, qui ont l’habitude de travailler avec des modèles animaux, font face à de plus en plus de défis éthiques, économiques et environnementaux au niveau de leurs pratiques.

La culture cellulaire est principalement utilisée pour évaluer la toxicité au niveau de cellules provenant de certains organes, par exemple le foie ou les poumons, et les mécanismes mis en jeu, dans une grande diversité de conditions expérimentales.

Actuellement, les études in vitro se développent pour déterminer la toxicité de contaminants chez plusieurs organismes aquatiques. Cet outil aurait un intérêt éthique puissant car cela permettrait de respecter le « principe des 3R » : remplacer l’utilisation d’animaux par d’autres méthodes expérimentales, réduire le nombre d’animaux utilisés dans les expériences, et améliorer les procédures d’expérimentation afin de réduire la souffrance animale.

Les tests in vitro permettent aussi de présélectionner rapidement la toxicité potentielle des produits chimiques avant une analyse plus poussée avec des essais in vivo, et des corrélations entre des tests in vivo et in vitro confirment que les cultures cellulaires pourraient être une méthode alternative à l’expérimentation animale.

Le deuxième avantage de la culture cellulaire est qu’elle permet l’évaluation de nombreux impacts biologiques, tels que les dommages à l’ADN ou la viabilité des cellules dans différentes conditions, car l’échelle de taille des tests est beaucoup plus petite que l’exposition des animaux en aquariums – ce qui réduit, par ailleurs, les coûts.

Elle permet enfin d’étudier les mécanismes cellulaires impliqués dans la toxicité, comme la production d’espèces réactives de l’oxygène liée à l’augmentation du stress oxydant, pouvant induire la peroxydation des lipides et endommager les membranes des organites cellulaires, puis potentiellement mener à la mort des cellules.

Ainsi, les recherches ont montré que tous les types de particules plastiques ont des effets potentiellement nocifs sur les cellules avec une cytotoxicité, une immunotoxicité et une augmentation du stress oxydant.

 

Les difficultés de la culture cellulaire pour l’évaluation écotoxicologique

La première difficulté est le nombre limité de lignées cellulaires standardisées disponibles pour les organismes aquatiques. À part les lignées commercialisées concernant des modèles de poissons, pour les autres espèces aquatiques, il est nécessaire d’isoler des cellules et de les cultiver en laboratoire avant de réaliser les tests. Cela nécessite une période de développement important, dont la précision doit être solidement établie avant tout test de toxicité. L’origine des cellules est considérée comme une limitation puisque les cellules de certains organes sont plus difficiles à entretenir que d’autres et nécessitent des milieux de culture spécifiques.

La composition du milieu de culture semble également jouer un rôle dans la réponse des cellules aux microplastiques, puisque la présence de certains composés pourrait induire des changements dans les propriétés physico-chimiques des nanoparticules de plastique et donc leur interaction avec les cellules.

 

Les limites de cette approche

En dépit de son potentiel, l’utilisation de la culture cellulaire pour étudier la toxicité des microplastiques et des nanoplastiques en est encore à ses débuts avec un certain nombre de limitations.

Pour les microparticules, une approche alternative utilisant des tissus ou des cultures d’organes semble être plus adaptée car les grosses particules auront tendance, in vivo, à ne pas pénétrer dans les cellules et à interagir avec les organes et les tissus.

Par ailleurs, l’utilisation de cultures cellulaires présente une limite dans la mesure où cela ne permet pas de reproduire exactement les conditions des cellules dans un organisme entier. Par exemple, les cellules isolées et cultivées diffèrent en général fortement du type de cellule correspondant dans un organisme, ce qui limite la valeur des données in vitro pour prédire l’impact toxique in vivo.

De nombreux travaux poursuivent l’étude de l’optimisation des tests sur cultures cellulaires avec notamment l’utilisation de milieux de culture dans des conditions plus proches de celles rencontrées in vivo, par exemple en trois dimensions.The Conversation

 

Messika Revel, Enseignante-chercheure en écotoxicologie, UniLaSalle

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.